Ma première réaction fut de balayer sa question d'un revers de main. Voyons ! Nous ne vivons pas au Nigeria où Boko Haram massacre des villages entiers. Nous ne sommes pas en Corée du Nord où posséder une Bible vous envoie au goulag. L'organisation Portes Ouvertes nous le rappelle chaque année : 380 millions de chrétiens subissent persécutions et discriminations violentes. Nous, Français, nous plaindre serait presque indécent.
Mais ce pasteur avait touché dans le mille.
## La Tyrannie du Sourire
Car la persécution d'aujourd'hui en Occident ne porte pas d'uniforme. Elle sourit, elle est polie, elle parle de tolérance. Elle ne brise pas les genoux mais elle brise les carrières. Elle n'emprisonne pas les corps mais elle emprisonne les consciences.
Rod Dreher a baptisé cette réalité d'un nom qui claque : le "soft totalitarisme". Un totalitarisme en gants de velours qui transforme la culture en tribunal permanent. Où exprimer une vision chrétienne du mariage vous étiquette "homophobe". Où invoquer Dieu dans l'espace public vous ridiculise en "obscurantiste".
Le résultat ? Une génération entière de chrétiens qui pratiquent l'art de l'invisibilité. Qui retirent leurs croix avant les réunions importantes. Qui évitent soigneusement certains sujets au bureau. Qui transforment leur foi en hobby privé, inoffensif et silencieux.
## L'Europe : Cimetière de la Chrétienté ?
Regardons les faits sans fard. L'Europe se déchristianise à une vitesse vertigineuse. Les cathédrales se transforment en musées. Les séminaires se vident. Les églises se vendent.
Est-ce seulement de la sécularisation naturelle ? Ou assistons-nous à quelque chose de plus orchestré ? À une "dictature d'idéologies humanistes" qui ne laisse aucun espace à la transcendance ?
La France, fille aînée de l'Église, illustre parfaitement cette dérive. Le pays qui a donné au monde saint Louis et Jeanne d'Arc pratique aujourd'hui une laïcité militante qui confine à l'allergie religieuse. Mentionner Dieu dans le débat public vous disqualifie instantanément.
## La Résistance des Catacombes
Alors, que faire ? Dreher propose une "option Bénédictine" : se retirer stratégiquement pour mieux préserver l'essentiel. Créer des communautés solides, former des disciples authentiques, résister par la fidélité plutôt que par la confrontation.
Cette stratégie me rappelle les premiers chrétiens. Ils n'ont pas renversé Rome par les armes, mais par la force tranquille de leur témoignage. Ils ont gagné par l'amour, pas par la politique.
Aujourd'hui, notre défi est identique : vivre l'Évangile de manière si authentique, si belle, si transformatrice que même une culture hostile ne puisse l'ignorer. Résister non par l'agressivité, mais par cette "douceur et ce respect" qui désarment les critiques les plus féroces.
## La Vraie Question
Au fond, cette époque de "soft totalitarisme" nous pose la question ultime : notre foi était-elle vraiment solide, ou n'était-elle qu'un vernis culturel que la première brise contraire suffit à écailler ?
Car voici le paradoxe troublant : si l'Évangile ne peut survivre à l'hostilité culturelle, c'est qu'il n'était peut-être pas vraiment l'Évangile. Le Christ n'a-t-il pas promis que les portes de l'enfer ne prévaudraient pas contre son Église ?
Notre liberté véritable ne réside pas dans l'approbation sociale, mais dans notre capacité à rester debout quand tout s'effondre autour de nous. À aimer quand on nous déteste. À bénir quand on nous maudit.
C'est cela, la vraie liberté chrétienne. Et paradoxalement, c'est peut-être dans cette Europe post-chrétienne que nous la redécouvrirons enfin.
