L’introduction du texte d’Ésaïe 61 par la mention explicite de l’Esprit du Seigneur marque une rupture décisive dans la structure prophétique et une transition vers une espérance intensifiée. Le thème de l’Esprit, en lien avec l’onction et la mission jubilatoire, ancre ce passage dans la dynamique de l’Alliance renouvelée.
L'Esprit du Seigneur comme sceau eschatologique
« L’Esprit du Seigneur, l’Éternel, est sur moi… » (És 61.1)
Dans la tradition de l’Ancien Testament, l'Esprit est rarement présenté comme demeurant de manière permanente sur des individus, sauf dans des cas exceptionnels (Moïse, les juges, David). Ici, le langage rappelle Ésaïe 11.2 et 42.1, où l’Esprit repose sur un Serviteur-Roi futur, porteur de justice et de restauration.
Cette figure est unique : elle concentre à la fois les rôles de roi, de prophète et de prêtre — ce que seul le Messie peut accomplir. L’Esprit devient alors l’agent de consécration pour la mission messianique et le garant de sa validité divine.
Une onction jubilatoire
L’onction n’est pas seulement un rite ou une image : elle est l’investiture divine pour inaugurer le jubilé ultime. Le Serviteur oint est mandaté pour :
Proclamer (et non implorer) l’année de grâce ;
Libérer (et non simplement annoncer la délivrance) ;
Consoler les affligés par la présence active du salut de Dieu.
Autrement dit, l’Esprit rend effectif ce que l’homme ne pouvait réaliser. L’humanité avait reçu la loi du jubilé (Lév 25), mais sans la puissance de l’Esprit, elle fut incapable de l’accomplir. Le Messie, lui, vient par l’Esprit, pour établir un jubilé de grâce réel, permanent et transformateur.
Le lien entre onction et mission
Cette onction messianique engage un ministère centré sur l’homme déchu : pauvre, brisé, captif, endeuillé. Ce n’est pas un ministère de pouvoir politique, mais de restauration spirituelle et communautaire, enracinée dans la justice et la miséricorde de Dieu.
Le parallèle avec Luc 4.18–21, où Jésus lit ce passage dans la synagogue de Nazareth, en affirmant : « Aujourd’hui, cette parole de l’Écriture est accomplie », scelle l’interprétation christologique de cette onction. L’Esprit du Seigneur repose pleinement sur Jésus, qui réalise dans sa personne et son œuvre la mission jubilatoire.
Le rôle de l’Esprit dans Ésaïe 61 n’est donc pas périphérique : il est au cœur de l’identité et de l’action du Messie. Le jubilé ne se comprend qu’à la lumière de cette onction : c’est l’Esprit qui inaugure le royaume de grâce, rend possible la libération et ouvre un horizon eschatologique où l’Alliance est restaurée dans toute sa gloire.