Dans notre époque marquée par une effervescence d'informations et une méfiance croissante envers les institutions, plusieurs chrétiens s'engagent dans une quête obsessive de détection des signes de la fin, décrypter les soi-disant stratégies de l'ennemi, déjouer les plans de l'Antéchrist ou encore d'identifier le gouvernement mondial préparant la ruine des nations. Cette tendance, bien que souvent motivée par un zèle sincère, trahit une déviation de la priorité biblique.
Loin de nous appeler à scruter les couloirs de l'ombre pour y déceler des complots, l'Écriture nous appelle à veiller, à demeurer sobres, à cultiver la paix, et à fixer nos regards sur Christ, non sur l'Antéchrist. C'est dans cette perspective que nous désirons rappeler ce que l'Écriture enseigne, et affirmer que notre mandat fondamental est d'annoncer fidèlement la Parole, de vivre dans la lumière de la résurrection, et de marcher dans la tension du "déjà et du pas encore".
1. La dérivation du mandat chrétien : de l'évangélisation à la surveillance prophétique
Certains justifient leurs recherches de signes ou de conspirations par un désir d'évangélisation. Or, comme le souligne l'épisode du riche et de Lazare (Luc 16:29-31), ceux qui refusent d'écouter Moïse et les prophètes ne croiront pas davantage face à des révélations extraordinaires. Ce n'est pas l'accumulation de preuves qui sauve, mais la proclamation de l'Évangile.
L'obsession à traquer les plans du Malin révèle une dérivation du mandat missionnaire vers une posture d'observateur inquiet, voire paranoïaque.
2. L'appel biblique à la sobriété et à la vigilance spirituelle
L'apôtre Paul exhorte les croyants à prier pour les rois et les autorités afin de mener une vie paisible et tranquille (1 Tim 2:1-2). Pierre appelle les croyants à la sobriété et à la vigilance, non pour traquer l'Antéchrist, mais pour résister au diable en demeurant fermes dans la foi (1 Pi 5:8-9).
Dans une perspective amillénariste, nous comprenons que le Royaume est déjà présent, mais pas encore consommé. Nous vivons dans un monde hostile, certes, mais déjà conquis par Christ. Notre attente ne se fonde pas sur une prévision des stratégies ennemies, mais sur une espérance ferme en la victoire de l'Agneau.
3. L'écueil du détournement : des chimères au lieu de la Parole
Lorsque le chrétien abandonne l'étude et la méditation de la Parole pour s'immerger dans les théories de la fin des temps, il court après des chimères. Il se laisse distraire du pain vivant pour se nourrir de suspicions. Il délaisse les oracles certains pour des ombres incertaines.
Comme l'écrit J. Gresham Machen : « Le plus grand danger à l'église aujourd'hui n'est pas que les hommes douteront de la foi, mais qu'ils s'en détourneront doucement, persuadés qu'ils la servent encore. »
Excursus : Espérance, Providence et vigilance fidèle
Herman Bavinck nous rappelle que « L'enseignement biblique sur la providence de Dieu n'encourage ni le fatalisme ni l'angoisse, mais une tranquille confiance et une vigilante activité. » Ce n'est pas l'analyse des stratégies du monde qui fortifie l'âme, mais la contemplation du dessein de Dieu.
De son côté, R.C. Sproul confesse : « Ma confiance dans l'avenir réside dans ma confiance dans le Dieu qui contrôle l'histoire. »
Face à l'inquiétude eschatologique, la foi réformée proclame que Christ est Seigneur maintenant. Le trône est occupé. Le livre est ouvert. Le règne avance, invisiblement mais réellement.
Conclusion :
Le monde mérite notre vigilance, mais non notre obsession. L'appel du Christ est clair : « Faites de toutes les nations des disciples » (Matt 28:19).
Nous n'avons pas à connaître les temps et les moments que le Père a fixé de sa propre autorité (Actes 1:7), mais nous avons à annoncer la gloire de celui qui nous a appelés des ténèbres à son admirable lumière (1 Pi 2:9).
En ces temps de confusion, que notre clairon sonne une note sûre : Christ est ressuscité. Christ est Roi. Christ revient. Entre ces réalités, notre travail est clair : prier, veiller, espérer, annoncer.
